dimanche 27 janvier 2008

Entre poisson pané et morue

Autrefois, employé de computer,
Lorsque sonnaient dix-sept heur’s deux
Je courrais à la rencontre d’un’ fleur
Qui poussait dans un lieu douteux :

J’allais au supermarché de la gare
En espérant bien vous croiser
Afin de vous dérober un regard,
Si seulement, j’avais oser…

Mais je me contentais de ces sourires
Que quelques fois vous m’adressiez,
Aussi je trouvais charmants vos soupirs
Quand les fruits étaient abîmés…

La première fois que je vous ai vue,
C’était au rayon " surgelés ",
Juste entre poisson pané et morue :
Moi, j’en étais tout congelé !

Vous étiez si jolie, si absorbée
En choisissant votre produit…
Et plus tard, quelle allure distinguée
Dans la conduite du kadi !

Trajectoires courbes pleines de grâce
Vous menèrent aux produits frais
Et ce vingt pour cent de matière grasse
Fut pour moi du plus bel effet !

L’amour, l’amour
D’un jour, un’ nuit
Sous cellophane
Ou tout’ la vie
Sans qu’on le fane.
L’amour, l’amour,
C’est sans façons
Au rendez-vous !
Et court ou long,
Que d’amour fou !

Après ce jour, sans que vous le sachiez,
J’appris les petites faiblesses
Que vos lignes ne laissaient deviner,
Sauf la franchise de vos fesses…

J’aimais vous surprendre au rayon lessive
Car je pouvais vous admirer
De longues minutes et à ma guise
Lors d’une intime étrangeté…

L’application, la profondeur psychique
Que vous mettiez à comparer
Deux marques en tout point identiques
N’étaient pas sans m’émerveiller !

L’amour, l’amour
D’un jour, un’ nuit
Sous cellophane
Ou tout’ la vie
Sans qu’on le fane.
L’amour, l’amour,
C’est sans façons
Au rendez-vous !
Et court ou long,
Que l’amour fou !

Et puis un jour, un incident survînt :
Je vous surpris - j’ai peine encore -
Bouleversée, prise d’un sanglot sans fin
Qui implorait le réconfort…

Mais je demeurai transi et sans verve,
Et ce fut un autre que moi
Qui, au rayon des boites de conserves,
Arrêta l’eau du bout des doigts…

Le lendemain, le fripon était bien
Accroché à votre kadi !
J’étais meurtris et triste comme un chien
Qu’on abandonne sous la pluie…

L’amour, l’amour
D’un jour, un’ nuit
Sous cellophane
Ou tout’ la vie
Sans qu’on le fane.
L’amour, l’amour,
C’est sans façons
Au rendez-vous !
Et court ou long,
Que l’amour fou !

L’histoire dit que c’est la pénurie
En bon cassoulet sévissant
Depuis plusieurs semaines à Paris
Qui avait causé vos tourments.

Votre sauveur aurait eu le sang-froid
De vous offrir des flageolets
Et vous aurait touché au bon endroit
En préparant le cassoulet…

Depuis lors, je fuis le supermarché,
J’achète tout chez l’épicier
Et je me dis qu’au moins je fais marcher
Les p’tits commerces du quartier !

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