dimanche 20 janvier 2008

Au poil

Foutu réveil !
Une fois de plus
J’suis à la bourre,
Point de soleil,
Café bouillu
Et lit défait, me v’là qui court !

Depuis deux ans,
Je me démène
Dans une usine,
C’est pas bandant,
C’est plutôt même
Un genr’ de course à la déprime !

Sur ma machine,
Pour pas penser
Je sors des pièces,
Me ruin’ l’échine
Mieux qu’un taré,
Et le temps jamais ne se presse...

Mon coco, mon prolo
On t’a chipé ta class’ de lutte,
Aujourd’hui, on joue de la flûte,
On fait pousser des haricots,
On dit “tout est nickel,
Tout est au poil dans mon meilleur
Des mondes à moi et puis ta soeur,
Alors elle fait dans la dentelle ?!...”

Parfois l’ancien
Me dit que nous
Sommes des prolos,
Moi, je dis rien,
Moi, je m’en fous :
J’les connais pas, moi, ces charlots !

Y m’dit “Avant,
Sûr qu’on trimait,
Mais qu’importait,
C’était l’bon temps,
On y croyait,
D’l’espoir, gamin, on en avait.....”

Moi, je dis rien,
Et puis au fait :
De quoi y’m’cause ?!
C’est du latin ?!
C’est quoi du Grec ?!
Vas-y qu’je glose, glose, glose...

Mon coco, mon prolo
On t’a chipé ta class’ de lutte,
Aujourd’hui, on joue de la flûte,
On fait pousser des haricots,
On dit “tout est niquel,
Tout est au poil dans mon meilleur
Des mondes à moi et puis ta soeur,
Toujours à croire au pèr’ noël ?!...”

Moi ça m’emmerde :
“Conscienc’ de classe,
Identité ?!”
Ça m’rend acerbe,
J’m’en bats la race
D’leur moribond monde ouvrier !

J’ai rien à voir
Avec ces zigs !
Je fais mes heures
Et puis bonsoir !
Moi y’a pas dig :
Ma gueul’, ma meuf, mon pieu, mon beurre...

Et quand encore,
Le tors’ bombé,
L’ancien m’assure
Qu’il faut fair’ corps
Et s’entraider,
Je lui réponds sans fioritures :

“J’support’ déjà
Pas tous ces cons
Dans le métro,
Et alors quoi ?
Il faudrait qu’on
Fraternise, qu’on crie “haro” ?!...

Est-c’que c’est moi
Qui a lâché
Les loups sur Terre ?
On est tous là
Pour en gratter,
Sur l’dos des autr’s, bien m’indiffère !”

Le pauvre vieux,
Ça l’rend tout chose
Quand j’lui dis ça,
Et orgueuilleux
S’il prend la pose,
Ces paupièr’s pès’nt de tout leur poids....

Mon coco, mon prolo,
On t’a chipé ta class’ de lutte,
Aujourd’hui, on joue de la flûte,
On fait pousser des haricots,
On dit “tout est niquel,
Tout est au poil dans mon meilleur
Des mondes à moi et puis ta soeur,
Quand est-c’qu’on lui coupe les ailes ?!...”

Au fond, je sens
Qu’il a raison
Le vieux charbon,
Et pas seulement
Quand mon patron,
Peinard, me prend pour son pigeon...

Il a raison...
C’est bien ma veine !
Les utopies
Sont hors saison,
A ma grand’ peine,
Ça s’achèt’ pas ces choses-ci...

Foutu réveil !
Une fois de plus
J’suis à la bourre,
Point de soleil,
Café bouillu
Et lit défait, me v’là qui court !

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