Boxeuse

Elle envoie valdinguer ses pieds
Quand ils descendent l’escalier
Et à n’en point douter,
S’il pouvait tomber cul par terre,
Pour le moins serait-il la distraire,
Sa petite effrontée.

Avec ses gestes de boxeuses,
- Beau moulinet de shampouineuse,
Beau crochet de chipie -
Elle veut garder ses distances
Et mesurer la résistance
De ce père apprenti.

Dis voir à quoi ça sert un père,
Un père sans veste et cravate
Ni odeur de vieille savate,
Est-ce que ça sert de repère ?

Après tout, l’était bien sans lui,
Même lorsque venaient la nuit
Et ses sottes sorcières
Avec leurs verrues sur le nez
Et leur corps courbe et décharné
Recouvert de poussière.

Pareil avec ces délinquants
Qui vont dans les parcs débarquant :
Camouflés sous leurs couches,
Plus tard planqué sous leur cartable,
S’ils sont sournois et redoutables,
Sans lui, elle a fait mouche !

Dis voir à quoi ça sert un père,
Un père sans clou ni marteau
Le dimanche matin très tôt,
Est-ce que ça sert de repère ?

Que croyait-il Monsieur Jacquie
En sortant de son maquis ?
Que ses bonnes manières,
Ses clins d’œil et ses beaux sourires
Allaient peinardement couvrire
Six années buissonnières ?

En se pointant ce jour d’Avril,
Un peu timide, un peu fébrile,
Pour voir son Petit Rat,
A la papa, il a du croire
Qu’il aurait, vite et sans histoires,
Des « Bravos » des « Hourras » !

Dis voir à quoi ça sert un père ?
Un père sans voix ni gros yeux
Ni ronflement monstrueux,
Est-ce que ça sert de repère ?

S’il en fait trop, elle dit « non ! »
S’il insiste, elle tait son nom !
Elle lui en fait voir
Car ça résonne étrangement
Dans son carafon innocent
Et son doux cœur d’ivoire.

Oui, c’est chose étrange et trop flou
Que cet Amour tout d’un seul coup
Sorti d’on ne sait où !
Et s’il y a place en son cœur
De fillette pour ce Frimeur :
Faut l’temps Papa, c’est tout !

Dis voir à quoi ça sert un père ?
Un père sans bide et jogging
Pour faire honte à ma copine,
Est-ce que ça sert de repère ?