samedi 24 janvier 2009

M'sieur Slimani et le vigneron

Ça s’est passé dans un village,
Un p’tit coin vert, honnête et sage,
Où est-c’ qu’on est fier de sa terre
Et des bleus couchés dans leur bière.

Trois cafés noirs bordant la route,
Un boulanger et puis c’est toute !
Le maire est un vieux camarade
Et l’curé lave ses salades.

Si on s’ennuie sous ces boccages,
Y’a pas d’quoi en faire un fromage
Car mêm’ si le leur est meilleur,
On n’est pas gaulois plus qu’ailleurs !

C’est sous cet azur rouge aimant
Qu’ont débarqué modestement,
M’sieur Slimani et son ballot
Dans c’quelque part un peu falot.

Ni femm’ ni enfant derrière lui
M’sieur Slimani a pas fait d’bruit,
Il est passé sur l’autre rive
Comme on chang’ de marqu’ de lessive.

Il voulait juste voir le monde
Et peut-être aimer une blonde,
Un’ brune, qu’importe l’amousse
Quand on a l’cœur qui bat, qui mousse…

Ça s’est passé dans un village,
Un p’tit coin vert, honnête et sage…


Vite, il a cherché un boulot
Pour pas sentir pousser ses os,
Il est entré dans un vignoble
Où l’a reçu un vague noble :

« Dans ce pays où coul’ pas d’eau
Le vin n’est pas pour les zozos !
Je veux bien te donner ta chance,
Ce ne sera pas des vacances ! »

Nourri, logé et bien payé,
M’sieur Slimani était comblé,
Et s’il parlait de but en blanc
Le vigneron était prév’nant…

Point avare de ses conseils
Qu’il distillait sous le soleil
De ce pays qu’il aimait tant,
Le vigneron était content.

M’sieur Slimani s’avérait être
Plus talentueux que ses ancêtres,
La passion du vin le gagnait,
Il s’abreuvait de ses secrets :

Des verts coteaux jusqu’au pressoir
Où il aimait causer le soir
De son pays au vigneron
Qui f’sait sauter quelques bouchons.

Ça s’est passé dans un village,
Un p’tit coin vert, honnête et sage…


Les mois passaient, couleur de rose,
Comm’ si l’bonheur prenait la pose,
Il était calme et sans alarmes
Lorsqu’il rencontra les gendarmes :

« C’est un contrôl’ d’identité,
Veuillez présentez vos papiers. »
L’en avait pas, l’était marron,
Lors on l’a mis dans un avion !

On n’a pas fait cas de son cas,
Les étrangers, c’est du tracas,
Les chiffr’s ayant toujours raison :
Salut, basta ! A la maison !

Le vigneron quand il l’apprit
Fut transporté sous un ciel gris,
Car bien plus que son employé,
C’est son ami qu’ils ont enl’vé !

« Quelle est cette époque cruelle
Où expulser est habituel ? »
Le vigneron broyait du noir
Assis tout seul près du pressoir

Lui qui aimait tant son pays
A l’heur’ qu’il est, il le conchie !
Et quand un zinc troue un nuage,
Il voit rouge et pleure de rage !

Ça s’est passé dans un village,
Un p’tit coin vert, honnête et sage…

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